Opinion : Donald Trump déclare la guerre commerciale au monde
Le président Donald Trump a récemment annoncé une offensive protectionniste sans précédent, augmentant les droits de douane américains à des niveaux jamais vus depuis un siècle. Cette décision a provoqué une onde de choc sur les marchés mondiaux, entraînant une vente massive d'actifs à risque et des inquiétudes croissantes quant à la croissance économique mondiale.
Des tarifs douaniers exorbitants
Le 2 avril, Trump a instauré un tarif minimum universel de 10 % et des droits de douane réciproques plus élevés, faisant passer les taux effectifs de 2 % à plus de 20 %. Les pays exportateurs comme l'Union européenne et la Chine sont particulièrement touchés, avec des taux respectifs de 20 % et 34 %. Cependant, des exemptions pour certains produits réduisent l'impact réel à 15 % pour l'UE et 47 % pour la Chine1.
Réactions internationales : riposte ou négociation
La Chine a réagi fermement en imposant des taxes de 34 % sur les importations américaines, tandis que l'Union européenne privilégie la négociation avant d'envisager des représailles. Elle pourrait toutefois introduire des droits de douane sur l'acier et l'aluminium, tout en mettant en avant lors de tractations des atouts comme les achats de gaz naturel liquéfié ou d'équipements de défense américains. Les surtaxes imposées à près de 60 pays (source : Maison Blanche) pourraient être ajustées à l'issue de discussions bilatérales. Ce processus prendra du temps et pourrait aboutir à des taux « réciproques » légèrement inférieurs à ceux annoncés. En cas d'échec, une escalade tarifaire reste possible.
Ralentissement généralisé de la croissance et pressions inflationnistes américaines
Donald Trump présente les droits de douane comme une solution miracle pour réindustrialiser le pays, rééquilibrer la balance commerciale et réduire le déficit budgétaire. Cependant, les économistes estiment que cette vision est peu réaliste dans une économie mondiale interconnectée. Les politiques protectionnistes pourraient coûter 3 800 dollars par an à un ménage américain moyen2. Bien que l'économie américaine ne montre pas de signes de récession, les politiques protectionnistes risquent de freiner la croissance et d'augmenter l'inflation. Les économistes prévoient un impact stagflationniste temporaire avec une baisse du PIB de 1,0 à 1,5 % et une hausse de l'inflation dans les mêmes proportions. En Europe, les conséquences devraient entraîner une baisse du PIB de 0,5 % ou plus, mais un effet limité sur l'inflation.
Les banques centrales en mode défensif voire accommodant
Malgré une inflation élevée, la Réserve fédérale pourrait réduire davantage que prévu ses taux d'ici la fin de l'année en réponse à une croissance ralentie et à un marché du travail affaibli. De son côté, la Banque centrale européenne pourrait adopter une posture accommodante en cas de faible croissance et d'absence de pressions inflationnistes, avec trois baisses de taux prévues d'ici la fin de l'année.
Le retour de la volatilité et la crainte d’une récession enfoncent les marchés d’actions
La chute des bourses la semaine passée est la quatrième plus violente sur deux jours depuis la Seconde Guerre mondiale. Les pertes accumulées depuis le pic de février avoisinent les 20 %, synonyme de marché baissier. Les droits de douane plus élevés et une croissance plus faible exerceront une pression sur les bénéfices des entreprises américaines et mondiales, ramenant le taux de croissance à peut-être zéro. L'incertitude persistante, la faiblesse des données économiques et la volonté apparente de l'administration Trump de tolérer une baisse économique signifient que les primes de risque resteront probablement élevées. À cela s'ajoute un courant vendeur de la part des investisseurs étrangers, ayant considérablement augmenté leur exposition à Wall Street ces dernières années.
Conserver une vision à long terme face aux turbulences
L'incertitude qui règne sur les marchés risque de persister pendant un certain temps, mais elle pourrait également offrir des opportunités d'investissement si l'on ne passe pas par la case récession. En corrigeant fortement à la baisse, les marchés d'actions, en particulier aux États-Unis, ont retrouvé des niveaux de valorisation plus proches de leur moyenne historique. À terme, les fondamentaux des entreprises retrouveront leur équilibre, ouvrant la voie à une reprise de la croissance. Les entreprises, solides et rentables à l'heure actuelle, bénéficient d'une assise financière bien plus robuste qu'en 2008, lorsque plusieurs banques étaient proches de la faillite, ou qu'en 2000, où certains modèles d'entreprise manquaient de stabilité.
Lorsqu'une guerre commerciale survient, les effets négatifs s'accumulent progressivement, permettant de prendre des mesures correctives. Le président Trump ne souhaite pas de récession, mais il est prêt à affaiblir l'économie américaine pour atteindre ses objectifs : augmenter les recettes fiscales grâce aux droits de douane, réduire le prix du pétrole, affaiblir le dollar, abaisser les rendements des bons du Trésor et réduire les taux directeurs. Il réussit sur tous ces fronts sauf le dernier. Avec le durcissement des conditions financières, une économie en ralentissement et un chômage potentiel en hausse, la Fed devra probablement intervenir. Le fera-t-elle en abaissant les taux, comme elle l'a fait en 2019 avant la signature d'un accord commercial avec la Chine… ?
En conclusion, les investisseurs patients ont appris qu'il est préférable de faire le gros dos dans l'attente de jours meilleurs plutôt que de céder à ses émotions et acter une perte certaine. Compte tenu d'un degré élevé d'incertitude, il est essentiel d'avoir un portefeuille bien diversifié, tant en actions qu'en obligations, afin de réduire les risques et de saisir les opportunités qui se présenteront lorsque les marchés retrouveront leur équilibre.
La suspension inattendue des tarifs douaniers pour la plupart des pays a permis aux marchés financiers de pousser un soupir de soulagement.
Qu'elle soit temporaire ou non, cette décision illustre pleinement la volatilité qui prévaut ainsi que la versatilité du président américain.
En fin de compte, lorsque les tensions deviennent trop fortes, il existe apparemment un "Trump put" pour calmer le jeu.
Olivier Colsoul
Senior Strategist Investment Office AG Insurance
1 Source : Goldman Sachs
2 Source : Budget Lab de Yale University